«C’est toujours plus facile de se dire pute quand tu n’en es pas vraiment une.»
- Céleste Ivy
Dans un texte signé avec amour, mais qui dénonce la violence d’une société capitaliste bandée les yeux fermés, l’artiste et travailleuse du sexe Céleste Ivy se présente, et présente ses expériences, desquelles découle son analyse poignante et confrontante.
L’autrice américaine Emma Cline le disait lors d’une entrevue donnée au magazine en ligne Cultured; chaque personnage évoluant dans l’industrie du sexe et dans la littérature aborde une expérience unique et n’a pas le devoir d’être le porte-étendard de tous les autres.
«Historiquement, beaucoup de condescendance et de méchanceté ont été utilisées pour dépeindre les femmes qui gagnent leur vie ainsi. Cette représentation a changé énormément depuis une dizaine d’années, grâce à d’autres voix dans la littérature et dans la culture. Toutefois, je fais très attention, comme autrice, à éviter de situer mes personnages dans un débat ou dans une polémique. Il m’est très utile de présenter un personnage spécifique qui vit une expérience très spécifique, sans qu’elle soit conçue pour évoquer quelque chose de plus grand.»
Ici, grâce à Céleste Ivy, mais aussi grâce à vous - car chacune des collaborations de Nouvelles Intimes est rémunérée avec vos abonnements -, nous nous engageons dans sa quête toute personnelle, contrant les hontes et les normes. Ses mots la représentent et feront peut-être écho à ce que d’autres personnes éprouvent, mais ce sont ses mots et ils se suffisent comme ça.
Comment aimerais-tu être présentée aux lecteurs de Nouvelles intimes?
Moi c’est Céleste Ivy, je suis dans l’industrie depuis mes 18 ans. Je vais continuer à l’automne mon baccalauréat en études interdisciplinaires de la sexualité. Je donne aussi de mon temps à CATS (Comité autonome du travail du sexe) dans le but d’humaniser et décriminaliser le tds. Sinon, je passe mes journées à lire, écrire et trouver de nouvelles manières de tourner dans les airs. Je dois avouer que je pratique le vampirisme occasionnellement et que j’aime être toute nue le plus souvent possible.
Est-ce que tu pourrais dire quelques mots sur ta démarche, autant d'écriture que photographique, pour cette collaboration?
Mon travail se traduit beaucoup par essayer de déchiffrer le monde et le questionner. J’ai l’impression d’avoir tellement appris sur la vie à travers cette industrie et je crois que c’est important de partager cela. Alors je laisse venir mes petites pensées et observations dans l’espoir qu’elles résonneront ailleurs.
As-tu eu des inspirations particulières pour concevoir ces mots et ces images?
Je puise majoritairement dans mes expériences personnelles et de travail au fil des années.
Qu'est-ce que tu aimerais principalement transmettre? Qu'est-ce que tu souhaiterais que les lecteurs retiennent?
Je voulais être un peu crue dans mes mots pour susciter des émotions et des questionnements. Des fois, ces deux éléments sont précurseurs de changements et je crois que nous avons besoin de cette fluidité d’états. Même s’il y a toujours des choses à repenser, j’espère que ma reconnaissance pour mes collègues et ami.es se fait sentir. Ces personnes ont pris soin de moi lorsqu’il n’y avait personne d’autre et m’ont inculqué tellement d’altruisme, de délicatesse et d’indépendance.
Qu'évoque pour toi le mot intime?
Pour moi, l’essence du mot intime peut prendre une multitude de tournures. Dans mon esprit, j’y fais un lien avec la respiration. Il y a plein d’exercices qu’on peut faire, mais le but reste de laisser aller le poids du monde à travers l’air. L’intimité, c’est découvrir comment prendre soin de soi et faire de l’espace pour les autres, parce que la vraie magie, c’est à plusieurs. Collectivement, on en parle très peu, mais le travail du sexe répond à des besoins de vulnérabilité en créant des espaces où les normes sociétales et la honte n’ont pas la même main de fer sur les gens. L’intimité ne peut fleurir sans ouverture et acceptance.
MERCI À L’EXPERTISE DES PUTES
Texte et photos par Céleste Ivy
Que ce soit les
Putes au coin de la rue
Putes sur internet
Putes à hauts prix
Putes au club
Putes masseuses
Putes par insulte
Putes parce qu’elles aiment dire le mot
Putes qui ont 10% de rabais au sex-shop
C’est toujours plus facile de se dire pute quand tu n’en es pas vraiment une.
C’est juste assez pour choquer, mais encore plaire.
La putasserie est acclamée en petites doses seulement.
Encore là ça dépend, si j’emprunte les yeux d’un homme, nous sommes toutes putes.
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