Une patte de table en forme de pénis pour Noël
Ce que les escortes reçoivent comme cadeaux de la part de leurs clients.
Photo: RDNE PROJECT
Texte: Mélodie Nelson
Récemment, j’ai rouvert un document dans lequel j’écrivais des phrases pigées au hasard dans des conversations d’inconnus ou d’amies.
Celle qui m’a marquée : «Je le recommande aux gens ouverts, mais dans mon expérience, c’est juste des messieurs qui se crossent et qui vont te suivre partout.»
Ça m’a pris un moment pour comprendre que ce devait être à propos d’un club échangiste.
J’ai aussi eu envie de revisiter un de mes premiers textes publiés dans Vice Québec, sur les cadeaux donnés aux escortes pour Noël. Nouvelles Intimes vous l’offre, en espérant que ce soit plus apprécié qu’un dépoussiérant pour clavier d’ordinateur.
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On a demandé à des escortes ce qu’elles reçoivent comme cadeaux de Noël de la part de leurs clients
Que faire avec une patte de table en forme de pénis?
Deux semaines avant Noël, quand j'étais escorte dans un trois et demi au centre-ville, un client m'avait demandé, suant au-dessus moi, ce que j'avais commandé comme cadeaux au Père-Noël. Mal à l'aise, parce que je ne voulais pas un collier avec des porte-bonheurs de sa part, j'avais gigoté et répondu que je ne voulais qu'un pyjama. Et c'était vrai, je voulais vraiment un pyjama.
Finalement, je n'avais rien reçu de la part de ce client, qui avait semblé vraiment découragé par ma réponse, alors qu'il insistait pour que je sois plus classe qu'une fille de dix-neuf ans qui s'imagine passer des journées entières dans un one-piece à motifs de pingouins souriants.
Un autre client, un directeur de prison new-yorkais, me gravait souvent des disques compacts et m'offrait du chocolat. Des travailleuses du sexe de ma connaissance accumulent des cadeaux vraiment plus originaux que les miens.
Voici ce que des escortes, des dominatrices, un pourvoyeur de caresses clitoridiennes et un danseur nu m'ont répondu par rapport aux cadeaux parfois étranges qu'ils ont reçus.
Cannelle : «Ce que je reçois d'un client et qui me fait toujours plaisir, ce sont des petites surprises personnalisées. Un client que je vois régulièrement avait longtemps jasé avec moi de Game of Thrones lors d'un rendez-vous et il m'a offert à la rencontre suivante la série complète des comic books. Il me donne aussi souvent quelques paquets de Juliette & Chocolat.
J'ai un autre client qui m'offre les vêtements que je lui emprunte durant notre rencontre. Un tricot, une tuque, des bas style collégienne.
Le plus absurde était un dépoussiérant pour clavier d'ordinateur. Je l'ai refusé, car je n'étais pas certaine que mon chauffeur aurait aimé avoir un contenant explosif dans son auto.»
Kayla : «Une bite en bois qu'il était trop fier d'avoir lui-même taillée dans un pied de chaise. Il y a aussi les testicules, ce qui permet de maintenir le truc comme si c'était en érection.
Il devait m'en fabriquer d'autres, mais il s'est trouvé une copine entre-temps et on a cessé de se voir…
Sur mon site professionnel, j'indique que je ne souhaite pas forcément de cadeau type "robe, chaussures…" mais que j'apprécie que les clients me fassent découvrir ce qu'ils aiment à travers un livre, une œuvre d'art ou un disque. J'en ai eu un qui n'arrivait tellement pas à se décider sur le disque à m'offrir qu'il a copié TOUTE sa collection. Il est donc arrivé avec une centaine de disques!»
Rubi : «Un seul client m'a fait des cadeaux, mais plein! Un martinet fait maison. Un tutu, un léotard et des chaussons de danse. Et un demi-mètre cube de sous-vêtements ! Il bossait là-dedans. Un jour, il en a renversé un gros tas sur une table et il m'a dit de prendre ce que je voulais. Moi, pensant aux vêtements que nous nous échangeons entre putes, j'ai pris tout ce que je pouvais. Puis je l'ai rejoint dans la cuisine avec mon ballot de lingerie dans les bras, en minaudant sur un ton de naïve extasiée : "C'est vrai alors, je peux prendre tout ça?"»
Adji : «Un talentueux soumis m'a fabriqué sur mesure une sorte de porte-jarretelles en cuir (un peu à la Lara Croft) que j'avais dessiné… il m'a aussi fait un pagne en cuir rouge foncé à la Spartacus.»
Kim Alizia : «J'ai déjà reçu une Pabst et un chausson aux pommes McDo. Je tiens à souligner que chez McDo, les chaussons viennent en paquet de deux…et que j'en ai reçu juste un!
J'ai aussi reçu un montage vidéo weird où on voit un de mes clients se masturber sur de la musique. Et aussi de la lingerie rose bonbon et jaune citron hyper cheap et pas à la bonne taille.»
Maxime Durocher : «Meilleur cadeau: une journée avec un guide pour faire de l'escalade dans le réputé parc Joshua Tree en Californie. Sublime!»
Vivianne : «J'ai un sac Desigual, que j'utilise comme sac lorsque je travaille, car je vais principalement à l'hôtel et que, du coup, il ne fait pas trop pute. Mais j'ai horreur de cette marque qui fait d'horribles vêtements bariolés… Un client régulier a remarqué mon sac et croyant me faire plaisir, il m'a offert une écharpe de la même marque. Je dois la ressortir chaque fois que je le vois.»
Gwyneth : «Ce n'était pas pour Noël, mais j'ai reçu de beaux cadeaux dans ma carrière : un livre de Josée Hivon et un autre de Mélodie Nelson. Puis il y a ce monsieur qui m'offre chaque fois que je le vois une boîte de chocolats faits maison. J'ai aussi déjà reçu des épices fancy.»
Simone : «Un seul client m'a fait des cadeaux : des fleurs et des livres (car il a vu plein de livres chez moi). Mais ça me dégoûte que ça vienne d'un client, donc j'ai envie de jeter ses livres à la poubelle maintenant.»
Veronica : «Le mois dernier un client m'a fait un gâteau et m'a offert un sac énorme de madeleines de Commercy.
Pourtant aucun rapport, je ne suis pas de Commercy, je ne m'appelle pas Madeleine non plus.
Et la cerise sur le cake, c'est que je suis végane.
Je crois qu'il a dû se tromper de "liste d'envies" de travailleuses du sexe. J'ai dit merci, mais qu'un poireau m'aurait plus touchée!»
Ethelle : «Une fois, un écrivain m'a offert ses trois derniers bouquins. Merci, mec.»
Samira : «Un recueil de poésie de Rilke, en édition rare. Sans doute le cadeau qui m'a le plus touchée. Assez souvent, ce sont des bouteilles de bon vin (voilà la réputation que je dois traîner!), des fleurs ou des chocolats. Parfois, des ensembles de lingerie, des peluches…»
Fernando : «J'avais un client au strip club qui ne venait que boire des verres. Déjà on ne t'aime pas, client qui fait ça. On fait des danses privées pour avoir notre argent. Et on a tous des pseudos, mais il a tout fait pour trouver nos vrais prénoms. Il est venu me voir avec un porte-clef écrit avec mon vrai nom comme cadeau. J'étais comme "Ouais, merci bitch, sauf que comment je fais pour payer mon loyer avec ton porte-clef qui flashe?" Et puis mon nom de danseur, ça aurait été mieux. C'est celui qu'on choisit au moins.»
Ce texte fait partie de Nouvelles intimes, un espace de liberté et d'exploration de sujets plus tabous en société. Pour ne manquer aucune édition de cette infolettre signée Mélodie Nelson et Natalia Wysocka, et pour lire nos parutions précédentes, suivez-nous sur Instagram au @nouvellesintimes et abonnez-vous au nouvellesintimes.substack.com. Des commentaires, des questions, une histoire à nous partager? Écrivez-nous au nouvellesintimes@gmail.com.