XOXO, PAM
Je ne me souviens plus pourquoi Pamela mentionne que laver un pénis dans un lavabo est suspicieux.
Texte par: Mélodie Nelson
Quand j’étais petite, je dessinais ce qui me semblait être la vie parfaite dans mes journaux intimes : je me rêvais vétérinaire et roulant dans une voiture comme celle de Brandon Walsh dans Beverly Hills 90210. Je possédais aussi une maison qui avait suffisamment de pièces pour en avoir une spécifiquement pour mes animaux.
Plusieurs années plus tard, j’ai un chat qui prend la forme de mon corps comme son lit pour la nuit.
Je pense que la perfection, depuis, c’est un après-midi à écouter un documentaire avec des amies. Mettre sur pause très souvent. Boire des mimosas et manger des jujubes. Je pense aussi que la perfection, c’est être Pamela Anderson, même avec ses sourcils qui lui donnent l’air d’être dans un vidéoclip de No Doubt dans les années 1990 («Mais je ne lui dirais jamais. Je l’admire trop. Je lui dirais "Je t’aime Pam. Continue." Mais j’espère qu’elle a une amie pour le lui faire remarquer», soulève Hortense.)
Natalia et moi avons compilé nos impressions de Pamela, A Love Story, comme nous l’avions fait pour Britney vs Spears. Ce qui nous a marquées, au-delà des cheveux emblématiques de Pamela, qu’elle teint à la pharmacie («Ça parait», affirme Hortense, fan absolue mais sévère, depuis Barb Wire ), c’est à quel point le film est important pour ce qu’il souligne sur notre rapport à la vie privée. «Et qui y a droit», assène Natalia.
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Les semaines ont passé depuis le visionnement. Quand j’aime quelque chose, je suis parfois incapable de l’écrire, à moins d’avoir quelque chose de très précis à expliciter.
Ce matin, une autrice m’a envoyé un message audio et ça m’a touchée. Sa voix. Ne pas être seule, au métro Henri-Bourrassa, alors que j’avais lancé un appel sur les réseaux sociaux, contre le nom d’un homme collé contre le mien, faussement, par erreur ou désir de Pygmalion, comme collaborateur à mon premier livre. «Personne ne pense que ton travail est diminué.»
La future école secondaire de ma fille est à côté d’un cimetière et la tombe la plus visible appartient à la famille Noël.
«Ce qui m'a frappée, c'est le sentiment d'inadéquation de Pamela, son caractère somme toute très solitaire, et sa totale incapacité à être autre chose qu'elle-même. C'est quand même merveilleux, rester autant soi-même, en sachant toutes les conséquences que cela a eu et aura sur le regard que les autres portent sur elle », m’écrit Natalia.
Tout me ramène aux bibliothèques.
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Quand j’étais petite, je dessinais des vies parfaites, mais quand je ne dessinais pas, j’écrivais toutes mes colères et tout ce que je percevais comme des injustices. Les garçons qui lancent des roches. Mes nouveaux souliers vernis jetés entre deux trottoirs, à force de courir, pour perdre les garçons. Le journal papier, que mon grand-père me demandait de bien replier.
Je me promenais, et dans un cul-de-sac, entre la forêt et une rue de gravier de Saint-Gabriel-de-Brandon, les oiseaux me calmaient. Je ne sais pas pourquoi, plus tard, j’étais certaine que ma fille, dans mon ventre, était un oiseau.
Mon fils, un chaton, maintenant, ou un koala. Ses professeures lui ont appris à lire. Ce n’est pas moi. Et l’orthophoniste, à parler. Sa psychologue lui a appris qu’il pouvait calmer les volcans, en donnant des coups dans des oreillers dans une porte dans des cauchemars, mais jamais contre lui. Mon fils ne s’enferme presque plus, mais parfois, nous sommes deux, puis trois, avec le chat, à croire que mon corps et mon lit suffisent pour vivre, isolés de tout ce qui reste hors de cet espace.
Ce qui reste, c’est ce que nous ne pouvons pas faire pour taire ce qui est contre nous, et contre les autres aussi, mais parfois, nous ne sommes que deux, à penser savoir ce qui nous attend.
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Je repousse facilement ce que je ne trouve pas beau.
Je me promenais avec ma fille. Je portais deux sacs de livres et de clémentines et de lait au chocolat. Elle s’est arrêtée et je me suis énervée un peu. Elle m’a montré un écureuil. Recroquevillé sur lui-même. Contre un bloc appartements. Il était mort, mais il aurait pu dormir.
«Il n’a pas été écrasé; il n’avait pas de sang», qu’elle a supputé. Je lui ai demandé de cesser d’en parler.
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«Elle ne ressemble pas à sa mère, heureusement », dit Hortense. «Fais-toi du microblading, Pam.»
Quand elle pose pour Playboy, Pamela joue un personnage. «Je ne me sentais pas nue, si je gardais mes souliers» , confie-t-elle.
Elle refuse tous les termes qui lui sont imposés. Elle n’est pas une victime, ni une poupée, ni une dumb blond. «Tu n’es pas devenue une caricature, Pam. Tu es devenue une icône.»
«Parfois, je me demande si je suis morte ou vivante.»
Quand elle marche, sur la plage rocailleuse ou sur sa ferme, mariée un moment à un Canadien, son Golden Retriever la suit, joyeux. «I put myself in crazy situations and I survive them.»
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Pamela se souvient d’avoir regardé sa mère pleurer, puis porter quelques retouches à son maquillage. Belle et triste, sa mère a inspiré à Pam une enfance mélancolique, dans le silence et la tension. Elle n’aime pas l’ennui, tombe pour des hommes qui n’ont pas assez de barbe, selon Natalia, et écrit, dans de multiples cahiers roses ou à la couverture en fourrure synthétique. «The world opens when I write.»
Désespérément romantique, Pamela transforme tout non-événement en événement. Aux hommes et aux femmes qui lui ont inlassablement posé des questions sur ses seins, en entrevue, aux personnes qui lui ont retiré le droit d’être une amoureuse et une mère, à l’abri des regards, elle propose autre chose, presque un piège, pour ceux qui n’ont pas l’habitude de ne pas se protéger. Elle propose le piège de vivre, sans protection autre qu’un tatouage de barbelés, de vivre comme une requête envers ce qui est potentiellement plus beau et grand que les plages de Malibu et les jugements.
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À Sainte-Agathe-des-Monts, un club vidéo existe encore. Il est écrit, sur sa façade, qu’il reste dix-huit jours avant le printemps.
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