À quoi les gens pensent quand ils baisent
«Au gémissement qui accompagnera le moment où son foutre giclera sur moi!»
Par Mélodie Nelson
Quand un ami m’a dit qu’il pensait à moi alors que sa blonde parfaite le suçait, j’ai été flattée, mais ça m’a aussi donné envie d’en savoir plus sur les situations ou sur les personnes auxquelles tout le monde pense lors d’une relation sexuelle.
Voici leurs réponses. Un deuxième article suivra, concernant ceux et celles qui vivent le moment présent sans penser à leurs voisins ou à mes seins.
Tous les noms ont été changés pour ne pas qu’une recherche sur Google lors d’une entrevue d’embauche provoque un malaise ou trop de passion.
Kara
Je pense à mes cellules. Elles se transforment en millions de paillettes et explosent en lumières et en cœurs dans tout mon corps au moment de l’orgasme.
Je crois que ce genre de visualisation aide à la guérison. Pour ma part, je pratique ça depuis ma reconstruction mammaire, à la suite d’une double mastectomie. Ça a le pouvoir de provoquer les plus longs et les plus gros orgasmes que j’ai pu expérimenter dans ma vie et me donne l’impression de ravoir de la sensibilité dans mes seins.
Shawn
En baisant, il m’arrive parfois d’avoir des hommes en tête, notamment lorsqu’on me fait une fellation. Dans la vingtaine, j’ai combattu ce fantasme avec vigueur, persuadé que cela allait à l’encontre d’une certaine idée virile de la masculinité. Or, ces dernières années, j’ai décidé de me laisser aller et d’embrasser ce fantasme. Sans doute que les mouvements d’éveil contre la masculinité toxique y sont pour quelque chose, de même que les discours novateurs de certaines sexologues.
Vanessa
Je pense à retenir ma «fontaine» la plupart du temps parce que je n’ai pas le temps de changer la literie. Je pense à dire à mon mari de se raser la barbe ou de la laisser pousser, parce que la barbe de juste trois jours pendant un cunni c'est du papier sablé. Je pense à si la porte est bien barrée pour les enfants.
Mylène
À du sexe anal entre deux hommes. J'aime beaucoup le porno gai masculin. Je trouve qu'ils ont beaucoup moins de limites.
Caroline
Je pense à des écrits érotiques, à des scènes fictives ou à d'anciens amants. J'ai toujours fait ça, peu importe le partenaire. Je sais que la dissonance entre les deux pourrait étonner, mais pour moi, tout ce que j'ai fait avec ces anciens partenaires est à égalité avec des fantasmes. C’est à la fois inatteignable et excitant.
Anne-Marie
Ça dépend. Ça va de rien du tout jusqu’à faire sentir ma culotte au comptable de mon père.
Cynthia
Mon plaisir, mais j’avoue que je suis parfois distraite. Sinon, je pense souvent à son plaisir à lui en premier. Ayant un handicap physique sévère, il y a toujours un certain doute qui s’installe. Une fois la gêne mise de côté, je me concentre sur mon propre plaisir.
Laureine
Moi, avant mon chum de maintenant, j’avais tellement peur et mal des hommes que j’étais rendue à me masturber en pensant à une main sur mon épaule, à un câlin ou à un mot gentil de la part d’un homme.
Jean-Pierre
Comme je préfère le cunnilingus, j’aime évoquer les odeurs et les sensations de certains sexes mémorables. Un sexe dont le parfum est doux comme la fleur d’oranger, à la texture satinée, qu’il faut effleurer sans brusquer. Ou encore un sexe plus spicy, qu'on doit explorer plus en profondeur pour qu’il s’embrase.
Même quand je reçois une fellation, j’aime repenser à ces moments, la tête plongée entre les jambes de certaines femmes au sexe parfait. Ma langue qui envoie des décharges d’électricité douce dans son système nerveux…
Les souvenirs d’expérience à l’extérieur et urbaines. Sous une alcôve entre deux maisons dans Verdun tard le soir, à quelques pieds du trottoir. La langue dans la bouche, la main dans sa petite culotte qui s’humidifie. Ou une nuit à la sortie d’un bar. On s’embrassait de façon plutôt indécente devant deux couples de lesbiennes visiblement amusées par notre manque de pudeur. C’était au Notre-Dame-des-Quilles. On a continué notre conversation dans le portique d’une fruiterie de la rue Beaubien, ma main sur son sexe, la sienne sur le mien, alors que les passants et les chauffeurs passaient tout près, sans nous voir.
Ce sont des images très excitantes, quand j’ai besoin d’une étincelle et d’un peu de bois d’allumage.
Bonus: les images du clip Down by the Water de PJ Harvey. Sans le son, ça bat n'importe quel film porno.
Mona
Je pense à des choses qui n'auront jamais lieu, comme baiser avec des vieux inconnus dégueulasses bare back au cinéma L'Amour, ou faire de la porno lesbienne.
Marie-Pierre
Au gémissement qui accompagnera le moment où son foutre giclera sur moi!
Joëlle
Mon copain, même s’il n’est pas à mon goût. Je suis une ancienne escorte. Il m’a aidée beaucoup. Mon copain est parfait pour moi, même s’il est imparfait.
Bérangère
Quand je me masturbe, je pense beaucoup à des Maitresses que j'ai connues, que j'aurais aimé approcher si j'étais moins timide, ou que j'imagine. Le BDSM est la chose qui me manque le plus depuis mon célibat.
Un truc aussi qui me branche beaucoup c'est les fat babes. Parce que j'en suis une, et que plusieurs de mes ex aussi, et que ça me parle. Mais j'ai réalisé un truc. C'est tellement difficile dans les médias, dans la porn mainstream (et même au-delà...), partout, de trouver des représentations de femmes grosses qui sont présentées comme belles et sexy plutôt que comme... ughhh, toutes sortes d'horreurs. À moins de regarder du côté rockabilly/burlesque pour des images inspirantes. Encore là, c'est souvent une vision très étriquée des fat babes, pas trop grosses, tailles fines, presque toujours Blanches, sans vergetures, très voluptueuses, jeunes. Bref, je constate que je dois de plus en plus me concentrer et me forcer pour visualiser une fat babe.
Je ne peux pas m'empêcher de penser à tout le discours du «oui mais tout le monde a ses goûts et on ne devrait pas en débattre ou politiser ça». Si moi je peine à trouver des représentations excitantes de corps comme le mien et celui des femmes que j'ai aimées au point où des fois j'ai juste envie de décrocher pour aller vite, ça me semble évident que ces représentations-là jouent sur les préférences et les attirances du reste du monde aussi.
Florence
À mon plaisir. Et ensuite à celui de mon.ma partenaire!
Katherine
Je pense au fait que j’espère que mes enfants ne se réveilleront pas.
Martine
Des femmes! Principalement avec des cheveux longs et foncés. Pourtant, j’ai aucune envie de coucher avec des femmes (sauf à de rares occasions).
Guillaume
Moi, ce qui me fait venir c'est de repenser à des scénarios que j'ai vécus il y a quelques années. Les deux scénarios se passent dans un environnement de travail. Une employée du bureau avec qui j'étais très proche passe me voir chez moi pour déguster un bon vin. À la fin de la première bouteille, elle m'offre une fellation. Juste avant de jouir, je lui demande si je peux venir dans sa bouche. Elle me répond en affirmant que c’est lors d’un moment comme ça qu’elle se sent le plus femme.
L’autre situation est en lien avec mon adjointe, qui savait que je fréquentais depuis deux ans une escorte. Elle m'a offert de devenir mon amante régulière. Comme elle était très jolie, une femme mature comme j'aime, j'ai accepté. Elle m'a alors donné un code que je n'avais qu'à lui faire parvenir par courriel, pour qu'elle se présente dans mon bureau. Elle me demandait de lui montrer ce que j'aimais en matière de sexe. Nous avons tout essayé dans mon bureau.
Ces deux femmes sont demeurées mes amies.
Capucine
J’ai pris dix livres pendant la pandémie. Pendant l’acte, je pense à mon apparence, à mes bourrelets.
Bélinda
J’imagine toujours mon chum baiser avec une autre.
Leslie
Toute ma vie, j’ai pensé à des seins en baisant.
Aujourd’hui, je peux penser à rien. Je savais que j’étais attirée par les femmes parce que j’ai toujours regardé de la porn lesbienne. Quand j’étais enfant, je disais à mes parents que «moi j’allais me marier avec une fille parce qu’elles sont plus fines pis plus belles».
J’ai eu une famille plutôt homophobe, des daddy issues, un père absent, donc rapidement le besoin de la présence d’un homme dans ma vie.
Je n’ai jamais arrêté d’être attirée par les femmes. Je ne savais juste pas si je pouvais les aimer. Mais je savais que j’aimais leurs seins, parce que je pensais juste à ça en baisant avec des hommes.
Corentin
À tout sauf à l'instant présent. Aux enfants et aux multiples tâches à accomplir dans la maison. Aux camps d'été à réserver. Aux vacances à planifier. Au travail à abattre. Vraiment, à tout, sauf à cet instant.
Edith
À mes voisins, parce que même si je sais vivre, ce n’est pas vrai que je vais m'empêcher d'exprimer mon plaisir. Quoique je me dis aussi qu’il faudrait que je trouve une façon pour que mon lit fasse moins de bruit.
Eugénie
Quand j'étais avec des partenaires que je n'aimais pas vraiment et qui ne me traitaient pas bien, souvent je pensais à des trucs comme un champ de fleurs avec des papillons.
C'est comme si j'essayais de me projeter ailleurs qu’avec cette personne. Souvent, avec certains partenaires, ça faisait mal ou c'était juste plate. Je voulais juste sortir de mon corps.
Alexandra
Quand j’étais jeune, je trompais mes partenaires. Donc, quand je baisais avec une personne, parfois je pensais à une autre, juste pour avoir le même feeling que si je la trompais.
Christian
Je me concentre entièrement sur ma partenaire...mais coudonc, c’est quoi ce bruit-là, et il est quelle heure, mais omg le petit bruit qu’elle vient de faire, wow, et là, il faut vraiment que je bouge ma jambe avant de pogner une crampe et oh, regarde son expression.
Raphaël
À comment faire venir la chanceuse trois fois avant moi!
Kim
Des femmes très grandes, tatouées, butchs ou androgynes, en train de me dominer.
Mathias
Je ne pense qu’à une manière de manger sa chatte encore et encore.
Éric
Je pense à mon ou ma partenaire, mais à ma respiration aussi.
Adam
Avec une personne, je me concentre sur la personne devant moi. J’aime me perdre presque dans l’autre.
Jane
Aux personnages de fiction d’histoires du type « enemies to lovers ».
Claudia
Ça fait des années que j'ai pas baisé, mais je pensais souvent à des hommes qui me léchaient, sans nécessairement leur donner un visage ou un nom.
Estelle
Il m'arrive souvent de penser à mon corps. Est-ce que je suis sexy dans cette position-là? Voit-on ma cellulite?
Olivier
Je pense au fait que je suis chanceux de coucher avec celle que j'aime.
Bérénice
Au pognon. Si c’est lors d’une relation sexuelle non tarifée, à l’éjaculation du partenaire, qui annonce la fin de la baise.
Pascal
Avant, je pouvais penser à tellement de choses différentes en même temps. Mais depuis un an, je suis en couple avec le gars de mes rêves. Pour la première fois, juste penser à lui, le regarder lui, c'est ce qu'il y a de plus excitant pour moi. C'est nouveau comme feeling, mais c'est vraiment beau. Je reste aussi à l’écoute de ce qu’il verbalise et de ce qu’il ne verbalise pas, pour contribuer le plus possible à son plaisir.
Émilie
Je pense à mon orgasme. C'est important pour moi de jouir.
Pénélope
Ces temps-ci, je pense aux marques que je vais laisser sur sa peau.
Sinon, c’est parfois dur pour moi de focusser. Dès que je relaxe, mon train de pensées rejoint le champ de ma charge mentale. Ne pas oublier de mettre le linge dans la sécheuse, ne pas oublier de faire la litière, est-ce que j’ai répondu à ce courriel, ah shit j’ai oublié de finir tel document, faudrait que je fasse mes impôts. Les Post-its mentaux m’assaillent.
Graham
Ça passe du plaisir de ma partenaire (qui est primordial), à mon plaisir (qui est souvent secondaire parce que je me mets régulièrement en deuxième priorité). J’ai aussi beaucoup de pensées liées à l’anxiété de performance. J'ai consommé du Sildéfanil pendant un bout, célibataire, parce que l'anxiété de performance était ingérable. Maintenant, je me base sur mon ressenti. C'est profondément délicieux.
Camille
Des configurations de pièces d'échecs. En particulier des configurations qui n'ont pas de sens pour moi, parce que je suis nulle aux échecs.
Je recherche aussi des indices comportementaux qui indiquent un possible retrait du consentement.
J'aime bien écouter la respiration de l'autre. Ou la mienne. Je n’aime ni la musique, ni les chandelles parfumées. Je trouve que c'est dérangeant. J'aime bien les odeurs de corps; je ne veux pas les remplacer par autre chose.
Ce texte fait partie de Nouvelles intimes, un espace de liberté et d'exploration de sujets plus tabous en société. Pour ne manquer aucune édition de cette infolettre signée Mélodie Nelson et Natalia Wysocka, et pour lire nos parutions précédentes, abonnez-vous sur nouvellesintimes.substack.com et sur Instagram au @nouvellesintimes.