Photo extraite du magazine Lui
Texte par: Mélodie Nelson
Natalia et moi célébrons la première année de Nouvelles Intimes.
Comme ex-escorte et intervenante dans les médias, j’ai une collection de questions que les journalistes ont déjà osé me poser.
«Peux-tu filmer en caméra cachée dans un salon de masseuses trans?»
«Connais-tu une vieille danseuse?»
«Tu peux me donner le contact d’une travailleuse du sexe qui a le sida?»
«Qu’est-ce qu’on t’a demandé de faire de plus crade?»
«Est-ce que tu peux te rentrer un jouet sexuel contrôlable à distance pendant l’entrevue?»
«Peux-tu demander à ton amie dominatrice de commenter l’actualité?»
Il y en a d’autres.
Ma préférée reste celle d’une journaliste d’enquête de La Presse, qui, à la suite d’un article sur une travailleuse du sexe enceinte, a demandé : «Est-ce que c’est vrai?» Une journaliste qui a déjà suivi et attendu des escortes dans un motel, sans leur consentement, pour les alourdir de questions, elles aussi. Une journaliste qui, parce que je sortais de la trame narrative préférée des médias en ce qui concerne le travail du sexe, mettait en doute mon professionnalisme.
Je refuse presque toujours de mettre en lien des travailleuses du sexe avec des journalistes. Je prends plaisir à indiquer aux journalistes que je ne jouerai pas au pimp avec eux. Parce que c’est ce qu’ils me demandent. Que je sois leur pimp. Pour pouvoir exploiter les expériences des autres. (J’emprunte leur conception du mot proxénète, mais ici aussi, il faut aller au-delà de nos idées préconçues.)
Il y a presque un an, Natalia et moi avons créé l’infolettre Nouvelles Intimes. Parce que nous voulions donner la parole aux personnes concernées, sur des sujets considérés plus controversés et risqués. Nous voulions donner la parole, sans la contrôler. Avec respect. Et avec nuances.
Il y a un risque à sortir de la trame narrative populaire.
Il y a beaucoup de fierté à le faire.
Cette première année n’aurait pas été possible sans vos encouragements, sans votre présence et sans vos questionnements et confidences. Merci.
Pour ceux qui veulent s’abonner, plusieurs options vous sont offertes.
Ce texte fait partie de Nouvelles intimes, un espace de liberté et d'exploration de sujets plus tabous en société. Pour ne manquer aucune édition de cette infolettre signée Mélodie Nelson et Natalia Wysocka, et pour lire nos parutions précédentes, suivez-nous sur Instagram au @nouvellesintimes et abonnez-vous au nouvellesintimes.substack.com. Des commentaires, des questions, une histoire à nous partager? Écrivez-nous au nouvellesintimes@gmail.com.
Nom de Dieu, ces questions...
J'en profite pour vous souhaiter de joyeuses Fêtes à toutes les deux. Merci pour ce que vous faites.