« Prends l'argent des millionnaires. »

Une escorte haut de gamme se questionne sur son avenir.

Photo par: François Couture

Texte par: Mélodie Nelson

Il est facile de penser que l’ensemble des escortes rêvent d’être haut de gamme et d’être payées à manger des fraises trempées dans du champagne sur un yacht à Dubaï.

Sauf que. C’est comme pour l’apparence : les escortes n’ont pas la même vision de l’épilation, des vêtements, des coupes de cheveux et ne possèdent pas toutes une balance et une carte de membre dans un club de yoga chaud. Elles n’ont pas toutes les mêmes ambitions non plus. Parfois, les clients plus fortunés, qui feraient d’elles des escortes haut de gamme, les rebutent.

Une Américaine dans l’industrie du sexe l’a expliqué ainsi sur Reddit :

« J’en ai marre d’être escorte haut de gamme.

J’ai travaillé si dur pendant des années pour construire ma réputation et, maintenant, je suis l’une des plus connues de mon État. Quand j’ai commencé, j’étais en mode survie. C’était mon rêve, d’arriver à un point où je n’aurais plus qu’à prendre quelques rendez-vous par mois. Je voulais moins travailler, car j’ai un handicap invisible, et utiliser mon temps libre pour faire du bénévolat.

Finalement, je déteste ça. Je déteste mes clients millionnaires et milliardaires. Ce sont des gens horribles et misérables qui accumulent les richesses sur le dos de la souffrance humaine.

Je déteste les conversations que nous avons. Ils sont tellement incroyablement déconnectés de la réalité. J’ai eu un client qui s’est vanté auprès de moi que ses employés reçoivent des bons alimentaires. Le même mois, j’ai perdu un ami qui n’avait pas les moyens de se payer de l’insuline.

Ces clients dépensent beaucoup d’argent en excès. Des voitures, des vêtements, des femmes, des vacances, des bateaux, des maisons dans lesquelles ils n’habitent même pas, et tant de fêtes!

Je déteste ces gens avides et insipides et je déteste leur vantardise et je déteste toutes les choses qu’ils aiment chez moi. Je déteste la personne que je prétends être avec eux. Mes clients cols bleus et les gars avec des fétiches super bizarres me manquent.

Je ne peux plus faire ça, je pense. En fait, j’ai presque l’impression que je vais finir par assassiner quelqu’un avec une copie d’un livre sur le communisme. Je crains pour ma réputation si je baisse mes tarifs. Je ne sais plus quoi faire. Je traverse le pire burn-out. »

Continuer pour aider tout le monde sauf sa santé mentale

Certaines personnes sur Reddit lui recommandaient de continuer, malgré son mal-être : « Tu vas avoir besoin de cet argent quand les changements climatiques vont s'aggraver et que nous passerons chaque jour à nous demander comment nous allons nous nourrir. Prends l’argent des millionnaires. Ça ne leur cause aucun mal et ça t’aidera, toi et ta communauté. »

Une autre réaction semblait aller dans le même sens : « Fais semblant avec eux et prends leur argent. Et si tu le souhaites, tu peux même utiliser ces revenus supplémentaires pour aider ta communauté. »

Une intervenante allait même jusqu’à écrire que « si tu voulais aider tes amis qui ont faim, qui sont sans-abris et qui meurent, je pense que tu devrais investir ton argent afin de pouvoir le partager. »

Plus philosophique, quelqu’un remarquait que « le bon côté des choses, c’est qu’ils ne sont que des clients, pas des amis ».

Une escorte comparait sa situation à celle de l’autrice, indiquant que, pour sa part, tant qu'elle était payée et que ses limites étaient respectées, elle n’avait aucune rancune. Une autre l’a accusée de mentir : « Aucun de mes clients riches n’est un trou du cul. La plupart sont super charitables. Ils font des dons d’argent, construisent des centres communautaires ou des trucs comme ça. Aucun d’entre eux n’est avare. Je suis un peu décontenancée par les fabulations décrites ici. »

Réfléchir à une autre façon de travailler

Des commentaires paraissaient plus empathiques. Des solutions étaient proposées : « Peut-être garder les clients haut de gamme moins chiants et offrir des tarifs beaucoup plus bas pour les personnes marginalisées défavorisées? Avoir un tarif pour les personnes queer ou handicapées est une chose que beaucoup de mes collègues font. Peut-être que tu gagnerais aussi à participer à des événements amusants dans la communauté des travailleuses du sexe. Où j’habite, il y a des rencontres cinéma et des soirées de bricolage. »

Une escorte racontait s'être retrouvée dans une situation semblable. « Rien ne m'a demandé davantage d'énergie et rendue plus malheureuse que les trous du cul riches qui pouvaient se permettre des filles qui facturaient plus de 800 dollars de l’heure. J’ai cessé de proposer ce prix élevé et je suis plus sereine depuis. »

L’autrice du message principal sur Reddit lui a demandé s’il fallait changer sa façon de se présenter, sa personnalité ou simplement ses tarifs. « J’aimerais avoir des conseils sur la façon de gérer la transition. » Elle a reçu comme réponse que l’escorte précédente avait retiré toutes ses publicités, prenant « une pause bien méritée ». Sans prendre un nouveau prénom, elle a toutefois changé de numéro de téléphone et d’adresse courriel.

Une travailleuse du sexe a également qualifié les clients fortunés de radins. « J’ai des millionnaires qui m’ont laissée un pourboire de 20$ et des camionneurs qui m’ont donné gracieusement 200$ de plus! »

« Je ne peux pas supporter ce genre de sociopathes, surtout que beaucoup d’entre eux sont aussi dépendants à des drogues ou à l’alcool. C’est un cauchemar de les gérer, car ils ne suivent pas les mêmes normes sociales que nous », sympathise une commentatrice.

Une autre raconte qu’elle a rencontré un homme sur Seeking Arrangement il y a quelques années. « J’arrive dans sa maison de 30 millions de dollars à Malibu, avec vue sur l’océan. Je devais souper, puis passer la nuit avec lui. Croyant que nous partirions manger, il a eu le culot de me dire " tu ne donnes pas de limonade au jardinier tant que les haies ne sont pas taillées". »

Un dernier conseil qui lui est offert est de déménager : « Peux-tu modifier ton approche, ton style et tes tarifs dans une nouvelle région ? »

Encourager une transformation radicale

Alors qu’une personne lui affirme qu’elle achèterait son livre si elle décide d’en écrire un avec tout ce que ses clients lui ont confié, une autre souligne que si l’autrice du message de départ devient « la prochaine Luigi », elle aura beaucoup de groupies.

Sans doute plus sage, une conclue que le travail de travailleuse du sexe est déjà bien difficile, même quand « nous aimons ce que nous faisons ». Une fois qu’il rend misérable qui que ce soit, « cela ne vaut plus la peine de continuer, car tu mérites la paix et un revenu qui ne t’astreint pas à souffrir ».

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