«Nous n’apprenons pas le sexe avec la porno.»
Le groupe WETS donne des conseils avisés pour une sexualité en ligne assumée.
Texte par: Mélodie Nelson
Sur Instagram, je suis tombée récemment sur des conseils concernant l’échange de sextos et de photos coquines. (Je sais que j’ai l’air d’avoir cent ans quand j’écris le mot « coquine ».)
Le projet WETS énumérait ceci : «Enlève ta localisation sur tes apps. Utilise un fond neutre. Camoufle tes signes visibles (tatouages, cicatrices) ou utilise un filtre pour en ajouter. Watermark tes photos. Utilise un emoji ou écris le nom de la personne à qui tu l’envoies. Comme ça, si ta photo se fait partager sans consentement, tu peux plus facilement retracer la personne qui l’a fait ! En plus, place le watermark proche du money shot, comme ça ils ne pourront pas le couper.»
Heureuse de me rendre compte que tend à disparaître l’époque où il était recommandé de ne juste pas partager nos seins sur un écran, afin de ne pas en subir les conséquences, je me suis renseignée sur l’organisation qui avait publié les renseignements sans jugement.
Son nom semble choisi pour rester dans les esprits : WETS. Comme dans mouillée extra beaucoup. Il est issu du Bureau Régional d’Action Sida (aussi appelé BRAS Outaouais), qui intervient au niveau de la réduction des méfaits, en prévention et intervention en infections transmissibles sexuellement et par le sang, ainsi que pour une consommation sécuritaire.
Une intervenante de WETS a accepté de répondre à quelques questions, afin de bien présenter leurs positions.
Comment est né le projet WETS?
En plein milieu de la pandémie, nous avons constaté que plusieurs personnes qui font du travail du sexe, habituellement rencontrées à nos bureaux du BRAS, ne passaient plus. Nous avons vu une diminution de la fréquentation de nos services, alors qu’il y avait toujours des échanges de services sexuels. À ce moment-là, nous avons commencé à avoir une présence en ligne plus importante, afin de rejoindre et de garder contact avec les personnes concernées.
Avec la croissance d’OnlyFans et de SeekingArrangement, nous avons cru pertinent d’avoir une présence plus spécifiquement dédiée aux utilisatrices de ces plateformes.
Nous avons aussi été chanceux de pouvoir compter sur la présence d’une stagiaire en sexologie, Michelle, venue nous prêter main-forte. Au début, nous n’avions pas beaucoup d’argent pour démarrer le projet. Avoir des idées fraîches était aussi très intéressant.
Présentement, nous ne sommes que deux dans l’équipe du projet WETS. Gabrielle, l’intervenante à temps plein, et Alexandre, sexologue et coordonnateur du projet. Nous aimerions agrandir l’équipe, mais nous ne recevons pas suffisamment de financement.
Vos actions et votre implication semblent très diversifiées. Quelle est votre offre actuelle de services?
BRAS Outaouais a toujours été un organisme présent pour les personnes qui sont en marge de la société, notamment avec la crise du SIDA, dans les années 1980 et 1990. Puisque la situation des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) a évolué, l’organisme a évolué aussi. Nous avons ainsi élargi notre offre de services, afin de rejoindre, entre autres, les personnes qui consomment des substances psychoactives, les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH), les jeunes à risques, les personnes en situation d’itinérance, les personnes issues de l’immigration et les travailleuses et travailleurs du sexe.
Nos services s’offrent en personne, via des relations d’aide individuelle, des accompagnements, des dépannages alimentaires, mais, surtout, par la distribution de matériel de prévention. De la prévention des ITSS/VIH/VHC, mais aussi de la prévention des surdoses, par le biais des services d’accompagnement à la consommation et les services de vérification des drogues.
Sur les réseaux sociaux, vous offrez des conseils sur le sexting et sur les photos envoyées en sextant. C’est la première fois que je lisais ces conseils sous cette forme, sans l’idée d’inspirer la honte ou les jugements. Que recevez-vous comme commentaires à la suite de ces publications sur votre compte Instagram?
La majorité des commentaires que nous recevons s’articulent surtout autour de comment ces trucs pourraient être utiles. En effet, beaucoup de nos abonnés sont des personnes qui s’intéressent à tout ce qui concerne la sexualité en ligne, les bénéfices comme les risques.
Ce sont sensiblement les mêmes réactions que nous entendons lorsque nous donnons des condoms à des ados dans les écoles. Des remerciements, mais aussi du scepticisme sur s’ils vont vraiment les utiliser.
Que souhaitez-vous que nous sachions sur votre organisme?
Nous sommes un organisme en santé sexuelle et en consommation sécuritaire, qui intervient dans le non-jugement, dans l’empathie et dans l’ouverture d’esprit. Nous intervenons auprès de plusieurs personnes avec plusieurs histoires différentes de vie. Nous essayons d’aider les gens à naviguer à travers les multiples systèmes d’oppressions.
Quels clichés seraient à oublier concernant la santé sexuelle en général, puis concernant la santé sexuelle des travailleuses du sexe?
Le premier cliché qu’il faut oublier avec le travail du sexe est que ce serait inévitablement de l’exploitation sexuelle. En effet, comme tout travail, il peut y avoir de l’exploitation, mais nous reconnaissons que certaines personnes peuvent pratiquer ce métier et s’épanouir.
Un autre point important, c’est le port du condom comme étant la responsabilité de toutes les personnes impliquées dans la relation sexuelle. Souvent, dans les rapports hétérosexuels, nous constatons que les deux partenaires s’attendent à ce que ce soit le gars qui s’occupe des condoms. Pourtant, il y a aussi les condoms internes et les carrés de latex pour se protéger.
Un dernier cliché qui doit disparaître est celui qui présente la sexualité en ligne comme mauvaise et dangereuse. En effet, l’usage d’Internet comporte des risques, mais comme tout comportement sexuel. Il y a des manières de réduire les risques. Comme notre post sur les sextos le démontre, sur Instagram.
Par contre, il faut aussi être en mesure de développer notre pensée critique par rapport à ce que nous pouvons voir sur Internet en lien avec la sexualité. La pornographie, par exemple, n’est ni bien ni mal. Il est important de la mettre dans son contexte de production. Nous n’apprenons pas à conduire en écoutant Fast & Furious. Nous n’apprenons pas non plus le sexe avec la porno. C’est là pour divertir et exciter. »
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Finalement, WETS propose de découvrir des balados prouvant la diversité des expériences possibles dans l’industrie du sexe. «Le podcast de Whitney Cummings, Good for You, est très intéressant. Des personnes qui font du travail du sexe y sont souvent invitées.» L’organisme cite The Laws that Sex Workers Really Want, le TED Talk de Juno Mac, ainsi que le film Pretty Woman. «Il est aussi représentatif de certaines réalités.»
(Comme l’attrait des fuck me boots, des bains moussants et des sourires victorieux devant ceux qui sous-estiment le courage ambitieux des femmes qui font semblant d’aimer frencher quelqu’un d’autre que leur chihuahua.)
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Merci pour la découverte de cet organisme! Existe-t-il une initiative similaire à Montréal?