Juste des sous-vêtements et une robe de chambre par-dessus
Comment les traitements réservés aux anciens et aux nouveaux clients diffèrent.
Texte par: Mélodie Nelson
Est-ce qu’il y a une différence entre le comportement d’une escorte avec un nouveau client et avec un client régulier? Pour certaines, c’est si semblable que ça ne change pratiquement rien, moins qu’une demi-injection d’acide hyaluronique. Pour d’autres, c’est aussi intense qu’une blague à la «Stars, They’re Just Like Us!», avec une référence un peu chiante à l’allure de Jennifer Lawrence quand elle prend un café sans rendez-vous préalable avec sa Glam Team.
Généreuses, des travailleuses du sexe du Canada et de la France ont accepté de jouer le jeu des comparaisons. Voici leurs réponses.
«J’ai deux sugar daddy, dont un depuis plusieurs années. Je ne me maquille même plus.»
«J’agis différemment. Surtout avec un régulier que j’ai vu facilement 500 fois en 7 ans, avant qu’il ne meure d’un cancer au stage 4. Il est mort après une opération. C’était dur sur le coup. Émotionnellement, mais aussi financièrement. C’était malgré tout un certain fardeau en moins. Il se comportait de manière abusive avec l’argent et connaissait carrément tout sur ma vie, malheureusement. Quand je gardais des détails privés, il me faisait du chantage.
Avec les clients moins fréquents, je porte simplement un peu moins de lingerie. Je mets déjà très peu de maquillage.»
«Je m’applique autant à être délicieusement hypocrite avec les uns qu’avec les autres. Hypocrite, mais bien habillée.»
«Quand j’étais escorte, il y avait des différences entre mes nouveaux et mes anciens clients. Pas tant dans mon habillement. Pas tant dans la parure, mais plutôt intérieurement.
Il y a des clients avec qui, même s’ils étaient assidus, je ne me dévoilais pas vraiment, par manque d'attirance ou de chimie. Alors qu'avec d'autres, un contact authentique s'établissait de lui-même! J'ai d'ailleurs rencontré l'amour de ma vie ainsi.
Comme pour n'importe quelle rencontre, avec le temps, un sentiment d’affinité peut s'installer. Qu'on soit travailleuse du sexe ou caissière chez IGA, on a nos clients favoris, avec qui on peut être plus "soi-même". Et heureusement ! Car je n'étais pas travailleuse du sexe pour être quelqu'un d'autre.»
«J’ai un comportement distinct. Je regarde ce qui importe ou non, pour pouvoir slaquer ensuite. Souvent, au début, je mets une petite robe noire classique avec des talons. Après, je vois selon le client. Mon idéal est d'arriver à pouvoir mettre juste des sous-vêtements et une robe de chambre par-dessus, style kimono, et être pieds nus. Comme ça, pas besoin d'agencer des vêtements.
Il y a aussi des clients qui n'ont vraiment pas le sens du détail ou qui voient flou sans leurs lunettes. Donc, je ne vais pas me faire de manucure ou soigner mon maquillage plus qu'il ne le faut.»
«Je suis définitivement plus soignée lors de la première rencontre - cheveux, maquillage et jambes bien rasées - par souci d’éviter un refus à la porte et de m’assurer de faire une première impression WOW. Avec mes réguliers, je me permets d’être naturelle et de simplement les voir fraîchement douchée et en lingerie.»
«Je prétends toujours être plus moi-même avec de vieux clients, mais c’est une performance de l’intimité (“a show of intimacy”). Je trouve que ça demande davantage d’efforts de prétendre être relaxe que de garder le vernis du professionnalisme. Je suis tombée malade lors d’un voyage avec un client et c’était incroyablement bon de laisser tomber tous mes mécanismes de défense.»
«Non, je suis pareille avec tout le monde.»
«Mes réguliers préférés sont ceux qui me préfèrent au naturel.»
«Je suis beaucoup plus ouverte avec mes réguliers de plusieurs années. Malgré une semi-retraite, certains prennent encore de mes nouvelles par courriel! Comme on a bâti des relations de confiance avec le temps, on a fini par connaître nos vrais prénoms. Je préfère toutefois qu'ils utilisent celui de travail. Mais comme il nous arrive de discuter de nos vies, je me sens privilégiée de savoir qu’un tel a obtenu un nouveau poste dans une entreprise ou qu’un autre s'informe de comment je vais! En fait, je ne prends pas de nouveaux clients à moins de références solides. Donc je suis juste plus intime avec ceux que j'ai gardés.»
«Personnellement, j'aime trop les voir la gueule à terre quand ils m'ouvrent la porte. Alors, je garde toujours mon look classy hoe. La seule différence, c'est que les réguliers me donnent du chocolat noir, car ils connaissent mon affection pour les gourmandises.»
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