Comment jouissez-vous?
«Je me transforme en Wonder Woman et j'agrippe ce qu'il y a à ma portée avec une force pas possible. Donc, no handjob quand je suis sur le point d'avoir un orgasme.»
Texte par: Mélodie Nelson
Normand Baillargeon rappelle, dans la préface qu’il signe de Ces tabous tenaces, un essai de l’auteur et enseignant en psychologie Patrick Doucet, les discussions franches qu’avaient les surréalistes sur la sexualité. Lors de rencontres, détaillées ensuite dans un numéro de la revue La révolution surréaliste, datant de 1928, ils échangeaient entre autres sur le dirty talk, l’exhibitionnisme et le masochisme.
L’une des questions m’a interpellée. «Un homme et une femme font l’amour. Dans quelle mesure l’homme se rend-il compte de la jouissance de la femme ?» André Breton, croyant à la jouissance simultanée, indique qu’il est impossible de constater la jouissance d’une compagne, «à moins d’entretenir avec une femme des rapports verbaux très discutables». Louis Aragon ose exprimer son malaise, percevant de l’inégalité dans les rapports envisagés par ses camarades du mouvement surréaliste: «Pour moi, rien ne sera dit sur l’amour physique si l’on n’a pas d’abord admis cette vérité que l’homme et la femme y ont des droits égaux. La validité de tout ce qui précède me paraît jusqu’à un certain point infirmée par la prédominance fatale du point de vue masculin».
J’ai choisi de reformuler la question, et de la présenter ainsi sur les réseaux sociaux : «De quelle façon comprenez-vous que votre partenaire a eu un orgasme? Et comment votre jouissance se démontre-t-elle aussi?»
Mon intérêt était d’aller au-delà des questions habituelles sur l’orgasme («Est-ce que faire semblant de jouir, c’est anéantir les avancées du féminisme?») et de poursuivre un apprentissage sur la façon de vivre et de présenter des moments intimes.
Voici les interventions éclairantes de plusieurs personnes.
«Lorsqu'elle me dit "reste là" et qu'elle me serre les mains de plus en plus fort.»
«Définitivement dans ses yeux! C’est comme s’il quittait son corps pour un moment. Pour moi, c’est physique. Serrement du bassin et tremblements!»
«J'ai un moment de silence, puis je le dis spécifiquement, puis je pleure, puis j'éclate de rire. Il y a des hommes cisgenres et hétérosexuels qui l'ont déjà mal pris. Genre semi-insultés. Ou très surpris.»
«Généralement, mon/ma partenaire le sait…Et les voisins aussi.»
«Mes orteils plient. Mon vagin se contracte. Je suis déjà vocal.e avant l'orgasme, mais pendant celui-ci, c'est parfois un peu plus intense, et ça s'espace par la suite. J'ai aussi soudainement plus chaud. Quand c'est vraiment intense, ça m'arrive parfois de devenir soudainement silencieux.se. Ou parfois de pleurer par après (genre comme un trop plein d'hormones?).»
«Pour mes partenaires, ça dépend duquel – c’est jamais pareil d'une personne à l'autre.
C'est juste en exsudant assez de confiance en moi dans la vie quotidienne (de façon holistique - pas juste de l'agrandissement personnel, mais aussi en ayant un regard lucide sur ce que je dois changer) que je peux m'assurer que l'autre personne va me le dire honnêtement, pour que je puisse m'adapter à ses préférences plutôt que de ménager mon égo.
Si je suis présent avec mon partenaire quand iel ne se sent pas bien, puis que je crée un espace sécuritaire pour toutes les émotions, je mets toutes les chances de mon côté pour que mon partenaire me dise sincèrement quand iel aura un orgasme ou pas.»
«Quand elle mordille sa lèvre et sort sa langue.»
«Pour mes partenaires hommes cis, je suis assez confiante en moi. J’ai l’habitude. Leur plaisir est assez simple en général, dans le sens où les organes sont externes et ils ne se gênent pas pour être directifs quand il y a un truc qui gêne.
Pour les meufs cis, le clitoris est plutôt caché en général et j’ai moins l’habitude. J’ai moins confiance en moi et je me fous plutôt la pression parce qu’en général elles me plaisent (ce qui est rarement le cas des hommes), donc je les soupçonne de simuler et ça me heurte terriblement.»
«Dans son coup de bassin.»
«Dans ses yeux, son sourire, le moment de bien-être que nous partageons, peu importe la position ou qui fait quoi. C'est cet instant de chimie où l'acte est juste secondaire, par rapport au fait d'être simplement deux personnes collées, bien dans le temps et dans l'espace.
Je dirais que le plus beau partage que j'ai vécu a été après une opération pour un kyste. Ma fiancée m'a demandé tout simplement : veux-tu venir m'aider ou je le fais toute seule ? Elle avait un vibrateur à la main. J’ai été l’aider. Et même si j’étais en souffrance, en raison de ma chirurgie, c’était un beau moment. Notre chimie affective, amicale et sexuelle a transformé une petite vite avant un cours à l’université en un instant de passion intense.»
«Je me transforme en Wonder Woman et j'agrippe peu importe ce qu'il y a à ma portée avec une force pas possible. Donc, no handjob quand je suis sur le point d'avoir un orgasme.»
«Team force surhumaine et agrippage de tout ici! Après, je suis brûlée!»
«Relaxation des muscles.»
«Pour les gens qui ont un pénis ou un dicklit: les pulsions que fait l'organe quand il se contracte.»
«Je fais en général zéro vocalisation, et c'est à ce moment-là que je gémis.»
«Il fait une face que je méprends pour de la douleur, et je ressens les pulsations de son corps. Parfois, il est audible, parfois non.
Je suis apparemment très vocale, ce qui rend la jouissance dure à déterminer, parce que je gémis et respire fort durant toute la séance. C'est plus difficile de jouir depuis que je suis médicamentée.
Cette difficulté me dérange pour le côté “j’aimerais jouir pour avoir le release”, mais d’un autre côté, j’apprécie le sexe autrement…et j’ai découvert aussi le mélange de ma synesthésie dans mes relations sexuelles et c’est vraiment wow!
Mon amoureux est bien content de me faire “voir des couleurs”.»
«Ça varie. J’adore le regarder. Je ne suis pas trop vocale, mais il le sait quand je jouis, car mon corps s’allume comme un bûcher.»
«Dans le regard, les vibrations du corps, et parfois on se pose la question directement: as-tu joui?»
«La perception de l’orgasme de ma partenaire se fait par une crispation de tout son corps, dont tous les muscles se tendent, pour finalement lâcher prise dans un cri libérateur.
Pour ma jouissance, dans l’excitation, cela se manifeste par une tension maximale de l’ensemble des muscles. Je ressens alors le besoin de me libérer, en partageant l’orgasme avec ma partenaire. Ce moment intervient juste avant l’éjaculation.»
«Les deux, on le dit, juste avant que ça arrive, en gémissant. Lui ralentit le rythme du bassin; moi, souvent, je me recroqueville. Et malgré que je sois super vocale, j’arrête subitement de faire des bruits au moment de l’orgasme (comme si j’avais le souffle coupé) et je relâche par la suite. Lui a des pulsations/ contractions du pénis, et moi, même chose dans le vagin!
Ça arrive quand même souvent qu’on a des orgasmes en même temps, et je me sens hyper privilégiée!»
«On gicle.»
«Je sais que ma partenaire a joui quand je sens avec ma langue son clitoris avoir des spasmes.»
«J'ai un ami qui vient de la manière la plus intense, genre spasmes, coups de bassin, le gros show, mais surtout, surtout, je sais pas comment décrire le geste, mais il fait comme un brbrbrbrbrbr avec sa bouche, en shakant la tête d'un côté et de l'autre rapidement...
Bref, c'est la fin de son orgasme, et il est encore en moi. Il est très imposant, alors ça rend le tout encore plus drôle si je suis en dessous et que je suis prise, comme ça lui prend un bon dix à vingt secondes de crise de bacon.»
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