Aux portes du Paradise
Les dépendances, les bars des autres provinces, la toxicité du yoga, parfois.
Texte par: Mélodie Nelson
Marie-Claude Renaud a publié le récit Yogi Stripper, qui inaugure la collection Flammèches de la maison d’édition La Mèche. J’ai commencé à le lire lors d’un trajet interminable vers Saint-Hyacinthe, car j’avais mal indiqué mon adresse lors de ma commande de vêtements de Barbie de la boutique Dolls Kill. Je devais donc récupérer mon colis sans me perdre, en campagne. Yogi Stripper était le meilleur des divertissements possibles lors de cette épreuve.
Le 6 juin, à 17h30, j’aurai la chance de discuter avec l’autrice à la Livrerie, sur la rue Ontario, près d’un stationnement dans lequel j’ai tenté d’apprendre à conduire et d’un dépanneur qui ne vend pas d’alcool.
La Livrerie, c’est une librairie accueillante, avec encore une ou deux aquarelles de l’autrice Jennifer Bélanger, un piano, des livres neufs et usagers, des smoothies délicieux, une table assez large pour accueillir lecteurs et petits qui veulent jouer à des jeux de société. Comme un immense salon, mais dans un ailleurs qui permet plus de s’évader ou de s’ancrer.
Dans Yogi Stripper, Marie-Claude Renaud évoque les modèles de travailleuses du sexe qu’elle avait avant de connaître l’industrie. Elle écrit notamment sur Pretty Woman. Maintenant, elle ne croit pas vouloir d’autre modèle que le Christ. «Par contre, je sens encore très fortement l’influence de la culture populaire autour de moi et des idéologies à la mode. Depuis que je suis toute petite, les valeurs qu’on m’inculque sont celles de l’argent, du sexe, du droit de jouir de son corps. Je suis un produit de mon époque.»
Elle a pensé devenir danseuse pendant quinze ans avant de débuter. Dans Yogi Stripper, elle se remémore d’ailleurs les fantasmes qu’elle entretenait, encouragée par la vision d’un bar :
«Toute mon adolescence, quand on allait vers Mercier, je passais devant le Paradise. Un club de danseuses. J’étais donc intriguée de savoir ce qui se passait là. J’imaginais des soirées très glamour dans des ambiances feutrées, avec les plus belles filles dans les plus beaux costumes en train d’onduler comme des serpents et de charmer comme des sirènes. Pas pour noyer les hommes qui avaient choisi de monter dans le bateau mais pour prendre tout leur argent. J’espérais tellement un jour me sentir assez belle pour aller tenter ma chance. Dans mon imaginaire d’ado, je pouvais pas penser à un plus beau métier de femme.»
Marie-Claude Renaud attendait «d’avoir le courage de se lancer», plus vieille que la majorité des danseuses débutantes. «Le défi, c’est de se garder en forme et belle à voir. C’est dur sur le métabolisme de vivre la nuit. Pour rester mince, avec un beau grain de peau et pas trop cernée, il faut souvent s’imposer une discipline. L’autre défi, c’est de rester patiente avec les gens. Avec les années, il y a comme un effet d’accumulation… parfois, ma tolérance à certains traits de caractère est à son plus bas.»
Dans son livre, l’autrice en vient à comparer l’industrie du sexe à celle du yoga. «Avec le recul, je trouve que les deux ont beaucoup en commun: le corps, la jouissance, le bien-être.» Alors que son travail de danseuse lui en a beaucoup appris sur les hommes, le yoga marque le début d’une quête spirituelle. «C’est par cette porte que j’ai commencé à me sortir de mon égocentrisme. Ensuite, j’ai étudié l’hindouisme à l’université. J’ai fait des retraites bouddhistes. Plus je chemine, plus je trouve des réponses dans la chrétienté. »
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